Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/231

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embrasser Bernerette pour retrouver près d’elle son courage affaibli. La chambre était déserte, le lit était vide. Il questionna la portière, et apprit, à n’en pouvoir douter, qu’il avait un rival et qu’on le trompait.

Il sentit cette fois moins de douleur que d’indignation. La trahison était trop forte pour que le mépris ne vînt pas prendre la place de l’amour. Rentré chez lui, il écrivit une longue lettre à Bernerette pour l’accabler des reproches les plus amers. Mais il déchira cette lettre au moment de l’envoyer ; une si misérable créature ne lui parut pas digne de sa colère. Il résolut de partir le plus tôt possible ; une place était vacante pour le lendemain à la malle-poste de Strasbourg ; il la retint, et courut prévenir son père ; toute la famille le félicita ; on ne lui demanda pas, bien entendu, par quel hasard il obéissait si vite. Gérard seul sut la vérité. Mademoiselle Darcy déclara que c’était une pitié, et que les hommes manqueraient toujours de cœur. Mademoiselle Hombert augmenta de ses épargnes la petite somme qu’emportait son neveu. Un dîner d’adieu réunit toute la famille, et Frédéric partit pour la Suisse.