Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/233

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France qu’après un long séjour à l’étranger. Cette lettre partie, il se sentit plus à l’aise et entièrement délivré du passé. Bernerette cessa de lui écrire depuis ce moment, et il n’entendit plus parler d’elle.

Une famille anglaise assez riche habitait une jolie maison aux environs de Berne. Frédéric y fut présenté ; trois jeunes personnes, dont la plus âgée n’avait que vingt ans, faisaient les honneurs de la maison. L’aînée était d’une beauté remarquable ; elle s’aperçut bientôt de la vive impression qu’elle produisait sur le jeune attaché, et ne s’y montra pas insensible. Il n’était pourtant pas encore assez bien guéri pour se livrer à un nouvel amour. Mais, après tant d’agitations et de chagrins, il éprouvait le besoin d’ouvrir son cœur à un sentiment calme et pur. La belle Fanny ne devint pas sa confidente, comme l’avait été mademoiselle Darcy ; mais, sans qu’il lui fît le récit de ses peines, elle devina qu’il venait de souffrir, et comme le regard de ses yeux bleus semblait consoler Frédéric, elle les tournait souvent de son côté.

La bienveillance mène à la sympathie, et la sympathie à l’amour. Au bout de trois mois l’amour n’était pas venu, mais il était bien près de venir. Un homme d’un caractère aussi tendre et aussi expansif que Frédéric ne pouvait être constant qu’à la condition d’être confiant. Gérard avait eu raison de lui dire autrefois qu’il aimerait Bernerette plus longtemps qu’il ne le croyait ; mais il eût fallu pour cela que Bernerette l’ai-