Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/248

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visage d’une négresse ; il la vit bientôt de plus près, et elle lui parut assez bien tournée. Elle marchait fort vite, et un coup de vent, collant sur ses hanches sa robe bigarrée de fleurs, dessina des contours gracieux. Pippo se pencha sur le balcon, et vit, non sans surprise, que la négresse frappait à sa porte.

Le portier tardait à ouvrir.

— Que demandes-tu ? cria le jeune homme ; est-ce à moi que tu as affaire, brunette ? Mon nom est Vecellio, et, si on te fait attendre, je vais aller t’ouvrir moi-même.

La négresse leva la tête.

— Votre nom est Pomponio Vecellio ?

— Oui, ou Pippo, comme tu voudras.

— Vous êtes le fils du Titien ?

— À ton service ; qu’y a-t-il pour te plaire ?

Après avoir jeté sur Pippo un coup d’œil rapide et curieux, la négresse fit quelques pas en arrière, lança adroitement sur le balcon une petite boîte roulée dans du papier, puis s’enfuit promptement, en se retournant de temps en temps. Pippo ramassa la boîte, l’ouvrit et y trouva une jolie bourse enveloppée dans du coton. Il soupçonna avec raison qu’il pouvait y avoir sous le coton un billet qui lui expliquerait cette aventure. Le billet s’y trouvait en effet, mais était aussi mystérieux que le reste, car il ne contenait que ces mots :

« Ne dépense pas trop légèrement ce que je renferme ; quand tu sortiras de chez toi, charge-moi d’une