Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/255

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

vous montrer que je ne suis pas avare, en voilà dix que je vous prie d’accepter. Quant à celui-là, je veux suivre un avis qu’on m’a donné dernièrement, et j’en fais cadeau à la Providence.

En parlant ainsi, il jeta le sequin par la fenêtre.

— Est-il possible, pensait-il en retournant chez lui, que la bourse de Monna Bianchina me porte bonheur ? Ce serait une singulière raillerie du hasard si une chose qui en elle-même m’est désagréable avait une influence heureuse pour moi.

Il lui sembla bientôt, en effet, que toutes les fois qu’il se servait de cette bourse il gagnait. Lorsqu’il y mettait une pièce d’or, il ne pouvait se défendre d’un certain respect superstitieux, et il réfléchissait quelquefois, malgré lui, à la vérité des paroles qu’il avait trouvées au fond de la boîte. — Un sequin est un sequin, se disait-il, et il y a bien des gens qui n’en ont pas un par jour. Cette pensée le rendait moins imprudent, et lui faisait un peu restreindre ses dépenses.

Malheureusement, Monna Bianchina n’avait pas oublié son entretien avec Pippo sous les Procuraties. Pour le confirmer dans l’erreur où elle l’avait laissé, elle lui envoyait de temps en temps un bouquet ou une autre bagatelle, accompagnés de quelques mots d’écrit. J’ai déjà dit qu’il était très fatigué de ses importunités, auxquelles il avait résolu de ne pas répondre.

Or il arriva que Monna Bianchina, poussée à bout par cette froideur, tenta une démarche audacieuse qui