Aller au contenu

Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/269

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chemise brodée d’or, un collet de senteur et un pourpoint de velours blanc avec des manches de satin de la Chine ; puis, tout étant bien disposé, il s’assit près de la fenêtre, et commença à rêver à son aventure.

Il ne jugeait pas aussi défavorablement qu’on le croirait peut-être de la promptitude avec laquelle sa dame lui avait donné un rendez-vous. Il ne faut pas, d’abord, oublier que cette histoire se passe au seizième siècle, et les amours de ce temps-là allaient plus vite que les nôtres. D’après les témoignages les plus authentiques, il paraît certain qu’à cette époque ce que nous appellerions de l’indélicatesse passait pour de la sincérité, et il y a même lieu de penser que ce qu’on nomme aujourd’hui vertu paraissait alors de l’hypocrisie. Quoi qu’il en soit, une femme amoureuse d’un joli garçon se rendait sans de longs discours, et celui-ci n’en prenait pas pour cela moins bonne opinion d’elle : personne ne songeait à rougir de ce qui lui semblait naturel ; c’était le temps où un seigneur de la cour de France portait sur son chapeau, en guise de panache, un bas de soie appartenant à sa maîtresse, et il répondait sans façon à ceux qui s’étonnaient de le voir au Louvre dans cet équipage, que c’était le bas d’une femme qui le faisait mourir d’amour.

Tel était, d’ailleurs, le caractère de Pippo que, fût-il né dans le siècle présent, il n’eût peut-être pas entièrement changé d’avis sur ce point. Malgré beaucoup de désordre et de folie, s’il était capable de mentir quel-