Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/300

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amants s’entendaient à merveille. Une seule chose inquiétait Béatrice. Toutes les fois qu’elle parlait à Pippo des projets qu’elle formait pour l’avenir, il se contentait de répondre : Commençons par faire ton portrait.

— Je ne demande pas mieux, disait-elle, et il y a longtemps que cela est convenu. Mais que comptes-tu faire ensuite ? Ce portrait ne peut être exposé en public, et il faut, dès qu’il sera fini, penser à te faire connaître. As-tu quelque sujet dans la tête ? Sera-ce un tableau d’église ou d’histoire ?

Quand elle lui adressait ces questions, il trouvait toujours moyen d’avoir quelque distraction qui l’empêchait d’entendre, comme, par exemple, de ramasser son mouchoir, de rajuster un bouton de son habit, ou toute autre bagatelle de même sorte. Elle avait commencé par croire que ce pouvait être un mystère d’artiste, et qu’il ne voulait pas rendre compte de ses plans ; mais personne n’était moins mystérieux que lui, ni même plus confiant, du moins avec sa maîtresse, car il n’y a pas d’amour sans confiance. — Serait-il possible qu’il me trompât, se demandait Béatrice, que sa complaisance ne fût qu’un jeu, et qu’il n’eût pas l’intention de tenir sa parole ?

Lorsque ce doute lui venait à l’esprit, elle prenait un air grave et presque hautain. — J’ai votre promesse, disait-elle ; vous vous êtes engagé pour un an, et nous verrons si vous êtes homme d’honneur. Mais, avant qu’elle eût achevé sa phrase, Pippo l’embrassait tendre-