Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/309

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dant traiter d’assassin, se mit à son tour en colère. Après avoir rudement repoussé celui qui voulait l’arrêter, il s’élança sur Tito.

— C’est toi, s’écria-t-il en le saisissant, c’est toi qu’il faut prendre au collet et mener sur la place Saint-Marc pour y être pendu comme un voleur ! Sais-tu à qui tu parles, emprunteur de noms ? Je me nomme Pomponio Vecellio, fils du Titien. J’ai donné tout à l’heure un coup de pied dans ta baraque vermoulue ; mais, si mon père eût été à ma place, sois sûr que, pour t’apprendre à te faire appeler le Tizianello, il t’aurait si bien secoué sur ton arbre que tu en serais tombé comme une pomme pourrie. Mais il n’en serait pas resté là. Pour te traiter comme tu le mérites, il t’aurait pris par l’oreille, insolent écolier, et il t’aurait ramené à l’atelier, dont tu t’es échappé avant de savoir dessiner une tête. De quel droit salis-tu les murs de ce couvent et signes-tu de mon nom tes misérables fresques ? Va-t’en apprendre l’anatomie et copier des écorchés pendant dix ans, comme je l’ai fait, moi, chez mon père, et nous verrons ensuite qui tu es et si tu as une signature. Mais jusque-là ne t’avise plus de prendre celle qui m’appartient, sinon je te jette dans le canal, afin de te baptiser une fois pour toutes !

Pippo sortit de l’église sur ces mots. Dès que la foule avait entendu son nom, elle s’était aussitôt calmée ; elle s’écarta pour lui ouvrir un passage, et le suivit avec curiosité. Il s’en fut à la petite maison, où il