Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/344

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sies. Si les jalousies étaient fermées, elle allait vite se recoucher, et elle guettait l’instant où elle entendrait le bruit de l’espagnolette, auquel elle ne se trompait pas. Cet instant venu, elle mettait ses pantoufles et sa robe de chambre, ouvrait à son tour sa croisée, et penchait la tête de côté et d’autre d’un air endormi, comme pour regarder quel temps il faisait. Elle poussait ensuite un des battants de la fenêtre de manière à n’être vue que de Gaston, puis elle posait son miroir sur une petite table, et commençait à peigner ses beaux cheveux. Elle ne savait pas qu’une vraie coquette se montre quand elle est parée, mais ne se laisse pas voir pendant qu’elle se pare ; comme Gaston se coiffait devant elle, elle se coiffait devant lui. Masquée par son miroir, elle hasardait de timides coups d’œil, prête à baisser les yeux si Gaston la regardait. Quand ses cheveux étaient bien peignés et retroussés, elle posait sur sa tête son petit bonnet de tulle brodé à la paysanne, qu’elle n’avait pas voulu quitter ; ce petit bonnet était toujours tout blanc, ainsi que le grand collet rabattu qui lui couvrait les épaules et lui donnait un peu l’air d’une nonnette. Elle restait alors les bras nus, en jupon court, attendant son café. Bientôt paraissait mademoiselle Pélagie, sa femme de chambre, portant un plateau et escortée du chat du logis, meuble indispensable au Marais, qui ne manquait jamais le matin de rendre ses devoirs à Margot. Il jouissait alors du privilège de s’établir dans une bergère en face d’elle, et de partager son déjeuner. Ce n’était pour