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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/352

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Il y avait de certains jours où elle se faisait, pour ainsi dire, pitié à elle-même ; elle en venait à douter de sa beauté et à se croire laide toute une après-dînée. En d’autres moments, l’orgueil féminin se révoltait en elle ; quelquefois, devant son miroir, elle haussait les épaules de dépit en pensant à l’indifférence de Gaston. Un mouvement de colère et de découragement lui faisait chiffonner sa collerette et enfoncer son bonnet sur ses yeux ; un élan de fierté réveillait sa coquetterie ; elle paraissait tout à coup, au milieu de la journée, revêtue de tous ses atours, et dans sa robe du dimanche, comme pour protester de tout son pouvoir contre l’injustice du destin.

Margot, dans sa nouvelle condition, avait conservé les goûts de son premier état. Pendant que Gaston était à la chasse, elle passait souvent ses matinées dans le potager ; elle savait manier à propos la serpe, le râteau et l’arrosoir, et plus d’une fois elle avait donné un bon conseil au jardinier. Le potager s’étendait devant la maison et servait en même temps de parterre ; les fleurs, les fruits et les légumes y venaient en compagnie. Margot affectionnait surtout un grand espalier couvert des plus belles pêches ; elle en prenait un soin extrême, et c’était elle qui, chaque jour, y choisissait d’une main économe quelques fruits pour le dessert. Il y avait sur l’espalier une pêche beaucoup plus grosse que toutes les autres. Margot ne pouvait se décider à cueillir cette pêche ; elle la trouvait si veloutée, et d’une si belle cou-