Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/362

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un écu de cent sous pour s’acheter un gilet et des sabots. Ainsi consolé, il prit la main de la jeune fille et y colla ses lèvres en lui disant d’une voix émue : Au revoir, mam’selle Marguerite. Pendant qu’il s’éloignait à pas lents, Margot s’aperçut que le petit garçon commençait à devenir grand. Elle fit réflexion qu’il n’avait qu’un an de moins qu’elle, et elle se promit, à la première occasion, de ne plus l’embrasser si vite.

Le lendemain, elle remarqua que Gaston, contre son ordinaire, n’était point allé à la chasse, et qu’il y avait dans sa toilette plus de recherche que de coutume. Après dîner, c’est-à-dire vers quatre heures, le jeune homme donna le bras à sa mère, et tous deux se dirigèrent vers l’avenue. Ils causaient à voix basse, et paraissaient inquiets ; Margot, restée seule au salon, regardait avec anxiété par la fenêtre, lorsqu’une chaise de poste entra dans la cour. Gaston courut ouvrir la portière ; une vieille dame descendit d’abord, puis une jeune demoiselle d’environ dix-neuf ans, élégamment vêtue et belle comme le jour. À l’accueil qu’on fit aux deux étrangères, Margot jugea qu’elles n’étaient pas seulement des personnes de distinction, mais qu’elles devaient être des parentes de sa marraine ; les deux meilleures chambres de la maison avaient été préparées. Lorsque les nouvelles arrivées entrèrent au salon, madame Doradour fit un signe et dit tout bas à Margot de se retirer. Celle-ci s’éloigna à contre-cœur, et le séjour de ces deux dames ne lui sembla rien promettre d’agréable.