Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/363

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Elle hésitait, le jour suivant, à descendre au déjeuner, quand sa marraine vint la prendre, et la présenta à madame et à mademoiselle de Vercelles ; ainsi se nommaient les deux étrangères. En entrant dans la salle à manger, Margot vit qu’il y avait une serviette blanche à sa place ordinaire, qui était à côté de Gaston. Elle s’assit en silence, mais non sans tristesse, à une autre place ; la sienne fut prise par mademoiselle de Vercelles, et il ne fut pas difficile de voir bientôt que le jeune homme regardait beaucoup sa voisine. Margot resta muette pendant le repas ; elle servit un plat qui était devant elle, et, quand elle en offrit à Gaston, il n’eut pas même l’air de l’avoir entendue. Après le déjeuner, on se promena dans le parc ; lorsqu’on eut fait quelques tours d’allée, madame Doradour prit le bras de la vieille dame et Gaston offrit aussitôt le sien à la belle jeune fille ; Margot, restée seule, marchait derrière la compagnie, personne ne pensait à elle ni ne lui adressait la parole ; elle s’arrêta et revint à la maison. À dîner, madame Doradour fit apporter une bouteille de frontignan, et, comme elle avait conservé en tout les vieilles coutumes, elle tendit son verre, avant de boire, pour inviter ses hôtes à trinquer. Tout le monde imita son exemple, excepté Margot, qui ne savait trop quoi faire. Elle souleva pourtant aussi un peu son verre, espérant être encouragée. Personne ne répondit à son geste craintif, et elle remit le verre devant elle sans avoir bu ce qu’il contenait. — C’est dommage que nous n’ayons pas