Aller au contenu

Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/371

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Qui sait ? répondit en riant mademoiselle de Vercelles ; nous autres filles, nous sommes exposées tous les jours à ces choses-là.

Je laisse à penser dans quel trouble ces paroles jetèrent Margot ; elle se les répéta cent fois jour et nuit, mais presque machinalement et sans oser y réfléchir. Cependant, peu de temps après, comme on apportait le café après souper, Gaston lui en ayant présenté une tasse, elle le repoussa doucement en lui disant : — Vous me donnerez cela le jour de vos noces. Le jeune homme sourit et parut un peu étonné ; il ne répondit rien, mais madame Doradour fronça le sourcil et pria Margot avec humeur de se mêler de ses affaires.

Margot se le tint pour dit ; ce qu’elle désirait et craignait tant de savoir lui sembla prouvé par cette circonstance. Elle courut s’enfermer dans sa chambre ; là elle posa son front dans ses mains et pleura amèrement. Dès qu’elle fut revenue à elle-même, elle eut soin de tirer son verrou, afin que personne ne fût témoin de sa douleur. Ainsi enfermée, elle se sentit plus libre et commença à démêler peu à peu ce qui se passait dans son âme.

Malgré son extrême jeunesse et le fol amour qui l’occupait, Margot avait beaucoup de bon sens. La première chose qu’elle sentit, ce fut l’impossibilité où elle était de lutter contre les événements. Elle comprit que Gaston aimait mademoiselle de Vercelles, que les deux familles s’étaient accordées et que le mariage était décidé.