Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/372

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Peut-être le jour était-il fixé déjà ; elle se souvenait d’avoir vu dans la bibliothèque un homme habillé de noir qui écrivait sur du papier timbré ; c’était probablement un notaire qui dressait le contrat. Mademoiselle de Vercelles était riche, Gaston devait l’être après la mort de sa mère ; que pouvait-elle contre des arrangements pris, si naturels, si justes ? Elle s’attacha à cette pensée, et plus elle s’y appesantit, plus elle trouva l’obstacle invincible. Ne pouvant empêcher ce mariage, elle crut que tout ce qui lui restait à faire était de ne pas y assister. Elle tira de dessous son lit une petite malle qui lui appartenait, et elle la plaça au milieu de la chambre, pour y mettre ses hardes, résolue à retourner chez ses parents ; mais le courage lui manqua : au lieu d’ouvrir la malle, elle s’assit dessus et recommença à pleurer. Elle resta ainsi près d’une heure dans un état vraiment pitoyable. Les motifs qui l’avaient d’abord frappée se troublaient dans son esprit ; les larmes qui coulaient de ses yeux l’étourdissaient ; elle secouait la tête comme pour s’en délivrer. Pendant qu’elle s’épuisait à chercher le parti qu’elle avait à prendre, elle ne s’était pas aperçue que sa bougie allait s’éteindre. Elle se trouva tout à coup dans les ténèbres ; elle se leva et ouvrit sa porte, afin de demander de la lumière ; mais il était tard et tout le monde était couché. Elle marchait néanmoins à tâtons, ne croyant pas l’heure si avancée.

Lorsqu’elle vit, en descendant, que l’escalier était obscur, et qu’elle était, pour ainsi dire, seule dans la