Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/373

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maison, un mouvement de frayeur, naturel à son âge, la saisit. Elle avait traversé un long corridor qui menait à sa chambre ; elle s’arrêta, n’osant revenir sur ses pas. Il arrive quelquefois qu’une circonstance, en apparence peu importante, change le cours de nos idées ; l’obscurité, plus que toute autre chose, produit cet effet. L’escalier de la Honville était, comme dans beaucoup de vieux bâtiments, construit dans une petite tourelle qu’il remplissait en entier, tournant en spirale autour d’une colonne de pierre. Margot, dans son hésitation, s’appuya sur cette colonne, dont le froid, joint à la peur et au chagrin, lui glaça le sang. Elle demeura quelque temps immobile ; une pensée sinistre se présenta tout à coup à elle ; la faiblesse qu’elle éprouvait lui donna l’idée de la mort, et, chose étrange, cette idée, qui ne dura qu’un instant et s’évanouit aussitôt, lui rendit ses forces. Elle regagna sa chambre, et s’y enferma de nouveau jusqu’au jour.

Dès que le soleil fut levé, elle descendit dans le parc. Cette année-là, l’automne était superbe ; les feuilles, déjà jaunies, paraissaient comme dorées. Rien ne tombait encore des rameaux, et le vent calme et tiède semblait respecter les arbres de la Honville. On venait d’entrer dans cette saison où les oiseaux font leurs dernières amours. La pauvre Margot n’en était pas si avancée ; mais, à la chaleur bienfaisante du soleil, elle sentit sa peine s’adoucir. Elle commença à songer à son père, à sa famille, à sa religion ; elle revint à son premier des-