Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/380

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— Si monsieur voulait rester encore une demi-heure, dit Pierrot, je lui donnerais bien un écu.

— Non, mon garçon, c’est impossible, et je ne veux pas de ton argent.

— Le voilà, l’écu, répondit Pierrot en le mettant dans la main du médecin, sans avoir l’air de l’écouter.

C’était toute la fortune du pauvre garçon ; il venait de tirer de la paillasse de son lit toutes ses économies, et le docteur les prit, bien entendu.

— Soit, dit-il, encore une demi-heure, mais après cela je pars sans rémission, car tu vois bien que tout est inutile.

Au bout d’une demi-heure, Margot, toujours roide et glacée, n’avait pas donné le moindre signe de connaissance. Le médecin lui tâta le pouls, puis, décidé à en finir, il prit sa canne et son chapeau, et se dirigea vers son cheval. Pierrot, n’ayant plus d’argent, et voyant que les prières ne serviraient de rien, suivit le médecin hors de la chaumière, puis il se posta devant le cheval avec le même air de tranquillité que le jour où il avait arrêté Gaston dans l’avenue.

— Qu’est-ce à dire ? demanda le docteur ; veux-tu me faire coucher ici ?

— Nenni, monsieur, répondit Pierrot, mais il vous faut rester encore une demi-heure ; ça reposera votre bidet. En parlant ainsi, il tenait à la main un échalas, et regardait de travers d’une façon si étrange, que le médecin rentra pour la troisième fois dans la chau-