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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/381

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mière ; mais, cette fois, il ne se contraignit plus.

— Maudit soit l’entêté ! s’écria-t-il ; ce garnement me fera perdre un louis avec ses six francs !

— Mais, monsieur, répliqua Pierrot, puisqu’on dit qu’on en revient au bout de six heures.

— Jamais ; où as-tu pris cela ? il ne me manquerait plus que de passer six heures dans ton galetas !

— Et vous les y passerez, les six heures, poursuivit Pierrot ; ou bien vous me laisserez la boîte, les tuyaux, et tout, sauf votre permission, et, quand je vous aurai vu travailler encore une couple d’heures, je saurai peut-être bien m’en servir.

Le médecin eut beau se mettre en fureur, il fallut céder bon gré mal gré, et rester encore deux heures entières. Ce temps expiré, Pierrot, qui commençait à désespérer lui-même, laissa sortir son prisonnier. Il resta seul alors, au chevet du lit, immobile, dans un morne abattement ; il passa ainsi le reste du jour, sans bouger, les regards fixés sur Margot. La nuit venue, il se leva, et pensa qu’il était temps d’aller prévenir le bonhomme Piédeleu de la mort de sa fille. Il sortit de la chaumière, et ferma sa porte ; en la fermant, il crut entendre une voix faible qui l’appelait ; il tressaillit et courut au lit, mais rien ne remuait ; il jugea qu’il s’était trompé : c’en fut assez cependant de cet instant d’espérance pour qu’il ne pût se décider à quitter la place. — J’irai aussi bien demain, se dit-il, et il se rassit au chevet.