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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/383

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Le bonhomme Piédeleu et Madame Doradour, avertis par le médecin, entrèrent dans la chaumière au moment où la noyée, à demi nue, nonchalamment penchée dans les bras de Pierrot, avalait une cuillerée d’eau de cerises.

— Ah ! çà, qu’est-ce que vous venez me chanter ? s’écria le bonhomme. Savez-vous bien que ça ne se fait pas, de venir dire aux gens que leur fille est morte ! Il ne faudrait pas recommencer, mille tonnerres ! Ça ne se passerait pas comme ça.

Et il sauta au cou de sa fille. — Prenez garde, cher père, dit celle-ci en souriant, ne me serrez pas trop fort : il n’y a pas encore bien longtemps que je ne suis plus morte.

Je n’ai pas besoin de peindre la surprise, la joie de madame Doradour et de tous les parents de Margot, qui arrivèrent les uns après les autres. Gaston et mademoiselle de Vercelles vinrent aussi, et madame Doradour ayant pris le bonhomme à part, il commença à comprendre de quoi il s’agissait. Les conjectures qu’on avait faites trop tard, avaient aisément tout expliqué. Lorsque le bonhomme eut appris que l’amour était la cause du désespoir de sa fille, et qu’elle avait failli payer de sa vie son séjour chez sa marraine, il se promena quelque temps de long en large. — Nous sommes quittes, dit-il enfin brusquement à madame Doradour. Je vous devais beaucoup, et je vous ai beaucoup payé. Il prit alors sa fille par la main et la mena dans