Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/382

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En regardant attentivement Margot, il crut remarquer tout à coup un changement sur son visage. Il lui semblait que, lorsqu’il avait voulu la quitter, elle avait les dents serrées, et maintenant ses lèvres étaient entr’ouvertes ; il s’empara aussitôt de l’instrument du docteur, et essaya de souffler comme lui dans la bouche de Margot, mais il ne savait comment s’y prendre ; le tuyau ne s’adaptait pas bien à la vessie. Pierrot s’épuisait à souffler, et l’air se perdait ; il versa quelques gouttes d’ammoniaque sur les lèvres de la malade, mais elles ne purent pénétrer dans sa gorge ; il eut de nouveau recours au tuyau ; rien ne réussissait. — Quelles sottes machines, s’écria-t-il enfin, lorsqu’il fut hors d’haleine ; tout ça n’est rien et ne fait rien qui vaille. Il jeta l’instrument, s’inclina sur Margot, posa ses lèvres sur les siennes, et, dans un effort désespéré, soufflant de toute la force de ses robustes poumons, il fit pénétrer l’air vital dans la poitrine de la jeune fille ; au même instant, la cendre s’agita, deux bras mourants se soulevèrent, puis retombèrent sur le cou de Pierrot. Margot poussa un profond soupir, et s’écria : — Je gèle, je gèle !

— Non, tu ne gèles pas, répondit Pierrot, tu es dans de la bonne cendre chaude.

— Tu as raison ; pourquoi m’a-t-on mise là ?

— Pour rien, Margot ; pour te faire du bien. Comment te portes-tu à présent ?

— Pas mal ; je suis seulement bien lasse ; aide-moi un peu à me lever.