Aller au contenu

Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

raffermi, vous ne me veniez plus voir ; — si jamais mon image, mon amour ne venait plus ;… il est impossible de continuer l’affreuse vie que je mène. Le plus malheureux est celui qui reste ; il faut donc que ce soit vous qui partiez. Vos affaires vous le permettent-elles ? Ou voulez-vous que j’aille je ne sais où ? Répondez-moi, ce sera vous qui aurez de la force ; je n’en ai pas du tout ; ayez pitié de moi. Dites, que sais-je ? que vous guérirez ; mais ce n’est pas vrai ! N’importe, dites toujours. Évitez de me voir avant le voyage ; il faut de la force, et je ne sais où en prendre. Je n’ai cessé de pleurer et de vous écrire depuis huit jours. Je jette tout au feu. Vous trouverez cette lettre-ci encore bien incohérente. M. de Marsan sait tout : mentir m’a été impossible ; d’ailleurs il le savait. Cependant cette lettre est loin d’exprimer ce qu’il y a de contradictoire entre mon cœur et ma raison. Allez dans le monde ces jours-ci, que votre départ n’ait point l’air d’un coup de tête. De sitôt je ne pourrai sortir ni recevoir. La voix me manque à tous moments. Vous m’écrirez, n’est-ce pas ? il est impossible que vous partiez sans m’écrire quelques lignes. Voyager !… C’est vous qui allez voyager ! »

Le malheur de Gilbert lui parut un rêve ; il pensait à aller chez M. de Marsan et à lui chercher querelle. Il tomba à terre au milieu de sa chambre, et versa les larmes les plus amères. Enfin il résolut de voir la comtesse à tout prix, et d’avoir l’explication de cet évé-