Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/93

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Valentin rougit malgré lui, et crut sentir qu’au fond de l’âme il aimait madame Delaunay ; l’observation de la marquise lui en parut un témoignage. Il regarda de nouveau son dessin, puis la marquise, puis il pensa à la jeune veuve. Celle que j’aime, se dit-il, est celle à qui ce portrait ressemble le plus. Puisque mon cœur a guidé ma main, ma main m’expliquera mon cœur.

La conversation continua (il s’agissait, je crois, d’une course de chevaux qu’on avait faite au champ de Mars la veille).

— Vous êtes à une lieue, dit madame de Parnes.

Valentin se leva, s’avança vers elle.

— Voilà un beau chèvrefeuille, dit-il en passant.

La marquise étendit le bras, cassa une petite branche en fleur et la lui offrit gracieusement.

— Tenez, dit-elle, prenez cela, et dites-moi si c’est vraiment moi dont vous avez cherché la ressemblance, ou si, en en peignant une autre, vous l’avez trouvée par hasard.

Par un petit mouvement de fatuité, Valentin, au lieu de prendre la branche, présenta en riant à la marquise la boutonnière de son habit, afin qu’elle y mît le bouquet elle-même ; pendant qu’elle s’y prêtait de bonne grâce, mais non sans quelque peine, il était debout, et regardait le pavillon dont je vous ai parlé, et dont une persienne était entr’ouverte. Vous vous souvenez que madame de Parnes passait pour n’y jamais aller. Elle affectait même quelque mépris pour ce