Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes I.djvu/94

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boudoir galant et recherché, qu’elle trouvait de mauvaise compagnie. Valentin crut voir cependant que les fauteuils dorés et les tentures brillantes ne souffraient pas de la poussière. Au milieu de ces meubles à forme grecque, superbes et incommodes comme tout ce qui vient de l’empire, certaine chaise longue évidemment moderne lui parut se détacher dans l’ombre. Le cœur lui battit, je ne sais pourquoi, en songeant que la belle marquise se servait quelquefois de son pavillon ; car pourquoi ce fauteuil eût-il été là, sinon pour aller s’y asseoir ? Valentin saisit une des blanches mains occupées à le décorer, et la porta doucement à ses lèvres ; ce qu’en pensa la marquise, je n’en sais rien. Valentin regardait la chaise longue ; madame de Parnes regardait le dessin de Valentin ; elle ne retirait pas sa main, et il la tenait entre les siennes. Un domestique parut sur le perron ; une visite arrivait. Valentin lâcha la main de la marquise, et (chose assez singulière) elle ferma brusquement la persienne.

La visite entrée, Valentin fut un peu embarrassé ; car il vit que la marquise cachait son esquisse, comme par mégarde, en jetant son mouchoir dessus. Ce n’était pas là son compte : il prit le parti le plus court, il souleva le mouchoir et s’empara du papier ; madame de Parnes fit un léger signe d’étonnement.

— Je veux y retoucher, lui dit-il tout haut ; permettez-moi d’emporter cela.

Elle n’insista pas, et il s’en fut avec.