Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/124

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V


Le chevalier avait résolu de s’éloigner sans dire adieu à sa femme. Il craignait et fuyait toute explication fâcheuse, et comme, d’ailleurs, son dessein était de revenir dans peu de temps, il crut agir plus sagement en laissant seulement une lettre. Il n’était pas tout à fait vrai que ses affaires l’appelassent en Hollande ; cependant son voyage pouvait lui être avantageux. Un de ses amis écrivit à Chardonneux pour presser son départ ; c’était un prétexte convenu. Il prit, en rentrant, le semblant d’un homme obligé de s’en aller à l’improviste. Il fit faire ses paquets en toute hâte, les envoya à la ville, monta à cheval et partit.

Une hésitation involontaire et un très grand regret s’emparèrent cependant de lui lorsqu’il franchit le seuil de sa porte. Il craignit d’avoir obéi trop vite à un sentiment qu’il pouvait maîtriser, de faire verser à sa femme des larmes inutiles, et de ne pas trouver ailleurs le repos qu’il ôtait peut-être à sa maison. — Mais qui sait, pensa-t-il, si je ne fais pas, au contraire, une chose utile et raisonnable ? Qui sait si le chagrin passager que pourra causer mon absence ne nous rendra pas des jours plus heureux ? Je suis frappé d’un malheur