Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/149

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dès minuit pour les locataires, mais toujours prête à s’ouvrir avec bruit à toute heure au claquement du fouet d’un cocher, s’élevaient d’énormes murailles, garnies d’une cinquantaine de croisées, où jamais, passé dix heures, une chandelle ne brillait, à moins de circonstances extraordinaires.

Camille allait quitter sa fenêtre, quand tout à coup, dans l’ombre que projetait une lourde diligence, il lui sembla voir passer une forme humaine, revêtue d’un habit brillant, se promenant à pas lents. Le frisson de la peur saisit d’abord Camille sans qu’elle sût pourquoi, car son oncle était là, et la surveillance du bonhomme se révélait par son bruyant sommeil ; quelle apparence d’ailleurs qu’un voleur ou un assassin vînt se promener dans cette cour en pareil costume ?

L’homme y était pourtant, et Camille le voyait. Il marchait derrière la voiture, regardant la fenêtre où elle se tenait. Après quelques instants, Camille sentit revenir son courage ; elle prit sa lumière, et avançant le bras hors de la croisée, éclaira subitement la cour ; en même temps elle y jeta un regard à demi effrayé, à demi menaçant. L’ombre de la voiture s’étant effacée, le marquis de Maubray, car c’était lui, vit qu’il était complètement découvert, et, pour toute réponse, posa un genou en terre, joignant ses mains en regardant Camille, dans l’attitude du plus profond respect.

Ils restèrent quelque temps ainsi, Camille à la fenêtre, tenant sa lumière, le marquis à genoux devant elle. Si