Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/175

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son avenue, il n’y aurait non plus rien de surprenant. Le chemin que tu nous fais prendre est bien le plus long, il est vrai ; mais qu’est-ce que c’est qu’un quart de lieue de plus ou de moins en comparaison de l’éternité ? La marquise doit nous avoir entendus sonner du cor ; il serait bien juste qu’elle prît le frais sur la route, en compagnie de son inévitable adorateur et voisin, M. de la Bretonnière.

— J’avoue, dit Tristan, bien aise de changer de texte, que ce M. de la Bretonnière m’ennuie cruellement. Semble-t-il convenable qu’une femme d’autant d’esprit que madame de Vernage se laisse accaparer par un sot et traîne partout une pareille ombre ?

— Il est certain, répondit Armand, que le personnage est lourd et indigeste. C’est un vrai hobereau, dans la force du terme, créé et mis au monde pour l’état de voisin. Voisiner est son lot ; c’est même presque sa science, car il voisine comme personne ne le fait. Jamais je n’ai vu un homme mieux établi que lui hors de chez soi. Si on va dîner chez madame de Vernage, il est au bout de la table au milieu des enfants. Il chuchote avec la gouvernante, il donne de la bouillie au petit ; et remarque bien que ce n’est pas un pique-assiette ordinaire et classique, qui se croit obligé de rire si la maîtresse du logis dit un bon mot ; il serait plutôt disposé, s’il osait, à tout blâmer et tout contrecarrer. S’il s’agit d’une partie de campagne, jamais il ne manquera de trouver que le baromètre est à variable. Si