Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/196

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dit tout bonnement : Madame la marquise, un homme qui souffre qu’un autre homme lève la main sur lui impunément s’appelle un lâche, vous le savez très bien. Mais la femme qui, sachant cela, ou le croyant, devient la maîtresse de ce lâche, s’appelle aussi d’un certain nom qu’il est inutile de vous dire. Là-dessus, j’ai pris mon chapeau.

— Et elle ne t’a pas retenu ?

— Si fait, elle a d’abord voulu prendre les choses en riant, et me dire que je me fâchais pour un propos en l’air. Ensuite, elle m’a demandé pardon de m’avoir offensé sans dessein ; je ne sais même pas si elle n’a pas essayé de pleurer. À tout cela, je n’ai rien répliqué, sinon que je n’attachais aucune importance à une indignité qui ne pouvait m’atteindre, qu’elle était libre de croire et de penser tout ce que bon lui semblerait, et que je ne me donnerais pas la moindre peine pour lui ôter son opinion. Je suis, lui ai-je dit, soldat depuis dix ans, mes camarades qui me connaissent auraient quelque peine à admettre votre conte, et par conséquent je ne m’en soucie qu’autant qu’il faut pour le mépriser.

— Est-ce là réellement ta pensée ?

— Y songes-tu ? Si je pouvais hésiter à savoir ce que j’ai à faire, c’est précisément parce que je suis soldat que je n’aurais pas deux partis à prendre. Veux-tu que je laisse une femme sans cœur plaisanter avec mon honneur, et répéter demain sa misérable histoire à une coquette de son bord, ou à quelqu’un de ces petits gar-