Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/197

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çons à qui tu prétends qu’elle tourne la tête ? Supposes-tu que mon nom, le tien, celui de notre mère, puisse devenir un objet de risée ? Seigneur Dieu ! cela fait frémir !

— Oui, dit Armand, et voilà cependant les petits badinages pleins de grâce qu’inventent ces dames pour se désennuyer. Faire d’une niaiserie un roman bien noir, bien scandaleux, voilà le bon plaisir de leur cervelle creuse. Mais que comptes-tu faire maintenant ?

— Je compte aller ce soir à Paris. Saint-Aubin est aussi un soldat ; c’est un brave ; je suis loin de croire, Dieu m’en préserve ! qu’un mot de sa part ait jamais pu donner l’idée de cette fable fabriquée par quelque femme de chambre ; mais, à coup sûr, je le ramènerai ici, et il ne lui sera pas plus difficile de dire tout haut la vérité, qu’il ne me le sera, à moi, de l’entendre. C’est une démarche fâcheuse, pénible, que je ferai là, sans nul doute ; c’est une triste chose que d’aller trouver un camarade, et de lui dire : On m’accuse d’avoir manqué de cœur. Mais n’importe, en pareille circonstance, tout est juste et doit être permis. Je te le répète, c’est notre nom que je défends, et s’il ne devait pas sortir de là pur comme de l’or, je m’arracherais moi-même la croix que je porte. Il faut que la marquise entende Saint-Aubin lui dire, en ma présence, qu’on lui a répété un sot conte, et que ceux qui l’ont forgé en ont menti. Mais, une fois cette explication faite, il faut que la marquise m’entende aussi à mon tour ; il faut que je lui donne