Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/204

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dans l’oreille d’un sot qu’elle cajole, une infamie étudiée, revue et augmentée par l’auteur ; et cette infamie fait son chemin, cela se répète, se commente, et l’honneur, le bien du soldat, l’héritage des aïeux, le patrimoine des enfants, est mis en question pour une telle misère !

Tristan parut réfléchir pendant quelque temps, puis il ajouta d’un ton à demi sérieux, à demi plaisant :

— J’ai envie de me battre avec la Bretonnière.

— À propos de quoi ? dit Armand, qui ne put s’empêcher de rire. Que t’a fait ce pauvre diable dans tout cela ?

— Ce qu’il m’a fait, c’est qu’il est très possible qu’il soit au courant de mes affaires. Il est assez dans les initiés, et passablement curieux de sa nature ; je ne serais pas du tout surpris que la marquise le prît pour confident.

— Tu avoueras du moins que ce n’est pas sa faute si on lui raconte une histoire, et qu’il n’en est pas responsable.

— Bah ! et s’il s’en fait l’éditeur ? Cet homme-là, qui n’est qu’une mouche du coche, est plus jaloux cent fois de madame de Vernage que s’il était son mari ; et, en supposant qu’elle lui récite ce beau roman inventé sur mon compte, crois-tu qu’il s’amuse à en garder le secret ?

— À la bonne heure, mais encore faudrait-il être sûr d’abord qu’il en parle, et même, dans ce cas-là,