Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/205

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je ne vois guère qu’il puisse être juste de chercher querelle à quelqu’un parce qu’il répète ce qu’il a entendu dire. Quelle gloire y aurait-il d’ailleurs à faire peur à la Bretonnière ? Il ne se battrait certainement pas, et, franchement, il serait dans son droit.

— Il se battrait. Ce garçon-là me gêne ; il est ennuyeux, il est de trop dans ce monde.

— En vérité, mon cher Tristan, tu parles comme un homme qui ne sait à qui s’en prendre. Ne dirait-on pas, à t’entendre, que tu cherches une affaire d’honneur pour rétablir ta réputation, ou que tu as besoin d’une balafre pour la montrer à ta maîtresse, comme un étudiant allemand ?

— Mais, aussi, c’est que je me trouve dans une situation vraiment intolérable. On m’accuse, on me déshonore, et je n’ai pas un moyen de me venger ! Si je croyais réellement…

Les deux jeunes gens passaient en cet instant sur le boulevard, devant la boutique d’un bijoutier. Tristan s’arrêta de nouveau, tout à coup, pour regarder un bracelet placé dans l’étalage.

— Voilà une chose étrange, dit-il.

— Qu’est-ce que c’est ? veux-tu te battre aussi avec la fille de comptoir ?

— Non pas, mais tu me conseillais de chercher dans mes souvenirs. En voici un qui se présente. Tu vois bien ce bracelet d’or qui, du reste, n’a rien de merveilleux : un serpent avec deux turquoises. Dans le