Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/22

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— Monsieur aime-t-il toujours les perdrix aux choux ?

Le pauvre homme avait prononcé ces mots avec un accent à la fois si burlesque et si touchant, que Croisilles, malgré sa tristesse, ne put s’empêcher d’en rire.

— Et à propos de quoi cette question ? dit-il.

— Monsieur, répondit Jean, c’est que ma femme m’en fait cuire une pour mon dîner, et si par hasard vous les aimiez toujours…

Croisilles avait entièrement oublié jusqu’à ce moment la somme qu’il rapportait à son père ; la proposition de Jean le fit se ressouvenir que ses poches étaient pleines d’or.

— Je te remercie de tout mon cœur, dit-il au vieillard, et j’accepte avec plaisir ton dîner ; mais, si tu es inquiet de ma fortune, rassure-toi, j’ai plus d’argent qu’il ne m’en faut pour avoir ce soir un bon souper que tu partageras à ton tour avec moi.

En parlant ainsi, il posa sur la cheminée quatre bourses bien garnies, qu’il vida, et qui contenaient chacune cinquante louis.

— Quoique cette somme ne m’appartienne pas, ajouta-t-il, je puis en user pour un jour ou deux. À qui faut-il que je m’adresse pour la faire tenir à mon père ?

— Monsieur, répondit Jean avec empressement, votre père m’a bien recommandé de vous dire que cet argent vous appartenait ; et si je ne vous en parlais