Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/299

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espérance que le tombeau, car, dès l’instant que je suis malheureux, je ne dois plus songer à votre main. Quand la fortune me souriait, tout mon espoir était que vous fussiez à moi ; pauvre aujourd’hui, je me ferais horreur si j’osais encore y songer, et, du moment que je ne puis vous rendre heureuse, tout en mourant d’amour, je vous défends de m’aimer… »

La marquise souriait à ces derniers mots.

— Madame, dit le roi, voilà un honnête homme. Mais, qu’est-ce qui l’empêche d’épouser sa maîtresse ?

— Permettez, Sire, que je continue :

« Cette injustice qui m’accable, me surprend de la part du meilleur des rois. Vous savez que mon père demandait pour moi une place de cornette ou d’enseigne aux gardes, et que cette place décidait de ma vie, puisqu’elle me donnait le droit de m’offrir à vous. Le duc de Biron m’avait proposé ; mais le roi m’a rejeté d’une façon dont le souvenir m’est bien amer, car si mon père a sa manière de voir (je veux que ce soit une faute), dois-je toutefois en être puni ? Mon dévouement au roi est aussi véritable, aussi sincère que mon amour pour vous. On verrait clairement l’un et l’autre, si je pouvais tirer l’épée. Il est désespérant qu’on refuse ma demande ; mais que ce soit sans raison valable qu’on m’enveloppe dans une pareille disgrâce, c’est ce qui est opposé à la bonté bien connue de Sa Majesté… »

— Oui-da, dit le roi, ceci m’intéresse.

« Si vous saviez combien nous sommes tristes ! Ah !