Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/298

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tilhomme dans ces pays-là ? Votre Majesté les connaît-elle ?

Le roi se piquait de savoir la France par cœur, c’est-à-dire la noblesse de France. L’étiquette de sa cour, qu’il avait étudiée, ne lui était pas plus familière que les blasons de son royaume : science assez courte, le reste ne comptant pas ; mais il y mettait de la vanité, et la hiérarchie était, devant ses yeux, comme l’escalier de marbre de son palais ; il y voulait marcher en maître. Après avoir rêvé quelques instants, il fronça le sourcil comme frappé d’un mauvais souvenir, puis, faisant signe à la marquise de lire, il se rejeta dans sa bergère, en disant avec un sourire :

— Va toujours, la fille est jolie.

Madame de Pompadour, prenant alors son ton le plus doucement railleur, commença à lire une longue lettre toute remplie de tirades amoureuses :

« Voyez un peu, disait l’écrivain, comme les destins me persécutent ! Tout semblait disposé à remplir mes vœux, et vous-même, ma tendre amie, ne m’aviez-vous pas fait espérer le bonheur ? Il faut pourtant que j’y renonce, et cela pour une faute que je n’ai pas commise. N’est-ce pas un excès de cruauté de m’avoir permis d’entrevoir les cieux, pour me précipiter dans l’abîme ? Lorsqu’un infortuné est dévoué à la mort, se fait-on un barbare plaisir de laisser devant ses regards tout ce qui doit faire aimer et regretter la vie ? Tel est pourtant mon sort ; je n’ai plus d’autre asile, d’autre