Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/306

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toute faction, toute rancune ; la France entière se mit à genoux devant le lit du roi, et pria pour lui. Mais si nous payons, sans compter, ses soldats ou ses médecins, nous ne voulons plus payer ses maîtresses, et nous avons autre chose à faire que d’entretenir madame de Pompadour.

— Je ne la défends pas, monsieur. Je ne saurais lui donner ni tort ni raison ; je ne l’ai jamais vue.

— Sans doute ; et vous ne seriez pas fâché de la voir, n’est-il pas vrai, pour avoir là-dessus quelque opinion ? Car, à votre âge, la tête juge par les yeux. Essayez donc, si bon vous semble, mais ce plaisir-là vous sera refusé.

— Pourquoi, monsieur ?

— Parce que c’est une folie ; parce que cette marquise est aussi invisible dans ses petits boudoirs de Brinborion que le Grand Turc dans son sérail ; parce qu’on vous fermera toutes les portes au nez. Que voulez-vous faire ? Tenter l’impossible ? chercher fortune comme un aventurier ?

— Non pas, mais comme un amoureux. Je ne prétends point solliciter, monsieur, mais réclamer contre une injustice. J’avais une espérance fondée, presque une promesse de M. de Biron ; j’étais à la veille de posséder ce que j’aime, et cet amour n’est point déraisonnable ; vous ne l’avez pas désapprouvé. Souffrez donc que je tente de plaider ma cause. Aurai-je affaire au roi ou à madame de Pompadour, je l’ignore, mais je veux partir.