Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/312

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suivre pour le guider, un mouvement de vanité lui fit ajouter qu’il n’avait que faire d’être accompagné. Il s’avança seul donc, non sans quelque émotion.

Versailles resplendissait de lumière. Du rez-de-chaussée jusqu’au faîte, les lustres, les girandoles, les meubles dorés, les marbres étincelaient. Hormis aux appartements de la reine, les deux battants étaient ouverts partout. À mesure que le chevalier marchait, il était frappé d’un étonnement et d’une admiration difficiles à imaginer ; car ce qui rendait tout à fait merveilleux le spectacle qui s’offrait à lui, ce n’était pas seulement la beauté, l’éclat de ce spectacle même, c’était la complète solitude où il se trouvait dans cette sorte de désert enchanté.

À se voir seul, en effet, dans une vaste enceinte, que ce soit dans un temple, un cloître ou un château, il y a quelque chose de bizarre, et, pour ainsi dire, de mystérieux. Le monument semble peser sur l’homme : les murs le regardent ; les échos l’écoutent ; le bruit de ses pas trouble un si grand silence, qu’il en ressent une crainte involontaire, et n’ose marcher qu’avec respect.

Ainsi d’abord fit le chevalier ; mais bientôt la curiosité prit le dessus et l’entraîna. Les candélabres de la galerie des Glaces, en se mirant, se renvoyaient leurs feux. On sait combien de milliers d’amours, que de nymphes et de bergères se jouaient alors sur les lambris, voltigeaient aux plafonds, et semblaient enlacer d’une immense guirlande le palais tout entier. Ici de