Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/313

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vastes salles, avec des baldaquins en velours semé d’or, et des fauteuils de parade conservant encore la roideur majestueuse du grand roi ; là des ottomanes chiffonnées, des pliants en désordre autour d’une table de jeu ; une suite infinie de salons toujours vides, où la magnificence éclatait d’autant mieux qu’elle semblait plus inutile ; de temps en temps des portes secrètes s’ouvrant sur des corridors à perte de vue ; mille escaliers, mille passages se croisant comme dans un labyrinthe ; des colonnes, des estrades faites pour des géants ; des boudoirs enchevêtrés comme des cachettes d’enfants ; une énorme toile de Vanloo près d’une cheminée de porphyre ; une boîte à mouches oubliée à côté d’un magot de la Chine ; tantôt une grandeur écrasante, tantôt une grâce efféminée ; et partout, au milieu du luxe, de la prodigalité et de la mollesse, mille odeurs enivrantes, étranges et diverses, les parfums mêlés des fleurs et des femmes, une tiédeur énervante, l’air de la volupté.

Être en pareil lieu à vingt ans, au milieu de ces merveilles, et s’y trouver seul, il y avait à coup sûr de quoi être ébloui. Le chevalier avançait au hasard, comme dans un rêve.

— Vrai palais de fées, murmurait-il ; et, en effet, il lui semblait voir se réaliser pour lui un de ces contes où les princes égarés découvrent des châteaux magiques.

Était-ce bien des créatures mortelles qui habitaient ce séjour sans pareil ? Était-ce des femmes véritables qui venaient de s’asseoir dans ces fauteuils, et dont les