Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/341

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

chaient soigneusement leur dos, que les belles dames d’aujourd’hui montrent au bal ou à l’Opéra. C’est une beauté nouvellement inventée.

Sur l’épaule frêle, blanche et mignonne de madame de Pompadour, il y avait un petit signe noir qui ressemblait à une mouche tombée dans du lait. Le chevalier, sérieux comme un étourdi qui veut avoir bonne contenance, regardait ce signe, et la marquise, tenant sa plume en l’air, regardait le chevalier dans la glace.

Dans cette glace, un coup d’œil rapide fut échangé, coup d’œil auquel les femmes ne se trompent pas, qui veut dire d’une part : « Vous êtes charmante, » et de l’autre : « Je n’en suis pas fâchée. »

Toutefois la marquise rajusta son peignoir.

— Vous regardez ma mouche, monsieur ?

— Je ne regarde pas, madame ; je vois et j’admire.

— Tenez, voilà ma lettre ; portez-la au roi avec votre placet.

— Mais, madame…

— Quoi donc ?

— Sa Majesté est à la chasse ; je viens d’entendre sonner dans le bois de Satory.

— C’est vrai, je n’y songeais plus ; eh bien ! demain, après-demain, peu importe. — Non, tout de suite. Allez, vous donnerez cela à Lebel. Adieu, monsieur. Tâchez de vous souvenir que cette mouche que vous venez de voir, il n’y a dans le royaume que le roi qui l’ait vue ; et quant à votre ami le hasard, dites-lui, je vous