Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/124

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artistes florentins de la Renaissance, il sentit un désir extrême d’aller en Italie, voulant, disait-il, imiter l’auteur de l’Histoire des Croisades, qui, après avoir terminé son ouvrage, s’en alla en terre sainte pour voir comment étaient faits les lieux qu’il avait décrits.

À six semaines d’intervalle, André del Sarto fut suivi des Caprices de Marianne. Alfred écrivit ces deux actes avec un entrain juvénile, sans aucun plan ; la logique des sentiments en tenait lieu. Arrivé à la fameuse scène de la bouteille, lorsqu’il eut mis dans la bouche de Marianne la tirade où elle fait honte au jeune libertin d’avoir les lèvres plus délicates que le cœur et d’être plus recherché en boissons qu’en femmes, l’auteur resta un peu étourdi de la force du raisonnement. « Il serait incroyable, dit-il, que je fusse battu moi-même par cette petite prude ! » Mais, après quelques minutes de réflexion, il trouva la réponse victorieuse d’Octave. Aujourd’hui que cette comédie est consacrée par le double succès de la lecture et du théâtre, on en jouit et on ne la juge pas. La première personne qui la lut sur des épreuves d’imprimerie en fut un peu effarouchée. Il ne faut pas s’en étonner. Cela ne ressemblait à rien, c’était de la quintessence d’esprit et de fantaisie semée dans un sujet passionné. On inséra le morceau dans la Revue sans y rien changer, mais non sans crainte. Depuis ce jour-là jamais pareille hésitation ne se manifesta. Tout ce que le poète nouveau offrit à la