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garçon, à peine relevé d’une fièvre cérébrale, parlait de se traîner comme il pourrait jusqu’à la maison, car il voulait s’éloigner de Venise dès qu’il aurait assez de forces pour monter dans une voiture.

« Je vous apporterai, disait-il, un corps malade, une âme abattue, un cœur en sang, mais qui vous aime encore. »

Il devait la vie aux soins dévoués de deux personnes qui n’avaient point quitté son chevet jusqu’au jour où la jeunesse et la nature avaient vaincu le mal. Pendant de longues heures, il était resté dans les bras de la mort ; il en avait senti l’étreinte, plongé dans un étrange anéantissement. Il attribuait en partie sa guérison à une potion calmante que lui avait administrée à propos un jeune médecin de Venise, et dont il voulait conserver l’ordonnance. « C’est un puissant narcotique, ajoutait-il, elle est amère, comme tout ce qui m’est venu de cet homme, comme la vie que je lui dois. » Cette ordonnance existe, en effet, dans les papiers d’Alfred de Musset. Elle est signée Pagello[1].

Le retour du malade nous fut annoncé dans une lettre où l’on sentait l’irritation de ses nerfs. « Par charité, disait-il, donnez-moi une autre chambre que

  1. Pendant un voyage que j’ai fait à Venise, en 1863, j’ai appris que M. Pagello demeurait alors à Bellune et qu’il y pratiquait encore la médecine.
    P. M.