Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/140

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regrets ; mais il ne tarda pas à reconnaître l’impuissance de cet auxiliaire, et il rejeta la fierté bien loin, comme un vain point d’honneur. Bientôt il nous laissa mesurer la profondeur de sa blessure. Malgré des souvenirs affreux qui l’obsédaient, il chérissait sa douleur. Par moments, il nous savait mauvais gré d’oser en médire ; par moments, il devenait ombrageux, comme si son caractère se fût altéré ; il nous soupçonnait de je ne sais quelles trahisons, ou bien il nous accusait d’indifférence, et puis, tout à coup, il avait honte de ses soupçons et se reprochait son ingratitude avec une exagération et des emportements contre lui-même, que nous avions de la peine à modérer. Quant aux destructeurs de son repos, ce n’était pas assez pour lui de leur pardonner, il leur cherchait encore des excuses, ou du moins des circonstances atténuantes, tant son cœur était malade, tant il avait peur surtout que le courrier de Venise ne lui apportât plus de lettres ! Il en écrivait lui-même où il ne craignait pas de se donner tous les torts ; quelques-unes contenaient des vers[1].

Lorsqu’on sut à Paris que Alfred de Musset était

  1. En 1859, j’ai demandé à la personne chez qui ces lettres étaient déposées, de les rendre à la famille du poète mort. Il m’a été répondu tranquillement que ce dépôt sacré avait été violé et les lettres remises en des mains qui n’auraient jamais dû les ravoir. Je me suis informé de ce qu’on en avait fait ; on m’a répondu qu’elles étaient brûlées. J’ai en réserve sur cette affaire tout un dossier plein d’autographes.
    P. M.