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Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/261

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bleau à Malesherbes, mon frère devint rêveur, et sa mélancolie me gagna. Sans nous faire part de nos impressions, nous nous reportions tous deux au même temps. Ces ombrages profonds, ces futaies hautes comme des églises gothiques, ces coteaux noirs qui se découpaient sur un ciel de feu, rien de tout cela n’avait changé d’aspect depuis 1833. Qu’est-ce que sept ans de plus pour des arbres trois fois centenaires ? Alfred sentait à chaque pas ses souvenirs de jeunesse se réveiller plus forts et plus vivaces. Le peu de mots qu’il m’en dit, je le retrouvai cinq mois après dans ces vers aujourd’hui si connus :


Que sont-ils devenus les chagrins de ma vie ?
Tout ce qui m’a fait vieux est bien loin maintenant ;
Et rien qu’en regardant cette vallée amie,
  Je redeviens enfant.


Tandis que sa pensée s’arrêtait à la promenade chérie et aux lieux charmants, j’allais plus loin que lui et je songeais au sombre jour du départ pour l’Italie, à l’horrible hiver de 1834, à notre intérieur désolé, aux six semaines d’attente sans nouvelles de l’absent, à son retour plus triste encore que son départ : et la fraîcheur de cette forêt me donnait le frisson. À force de rouler sur le sable fin et de cahoter sur le pavé, notre méchant véhicule atteignit enfin l’asile hospitalier où nous attendait belle et