Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/302

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confrère sur les facultés du poète qu’il aimait si tendrement, et j’eus la satisfaction de voir son visage s’assombrir à mesure que son inquiétude diminuait. Dans le même temps, — presque le même jour, — la marraine, à qui rien n’échappait, me fit part d’autres condoléances du même genre. Elle en était sérieusement alarmée : « Il est évident, me dit-elle, que la médisance et l’envie seront d’autant plus à l’aise qu’elles prendront l’apparence de l’intérêt et de la compassion. Déjà, je l’ai remarqué, on parle plus volontiers de notre poète ; on ne lui marchande plus autant les éloges ; mais on s’empresse de dire qu’il n’y a plus rien à espérer de sa muse. Si vous m’en croyez, n’attendez pas à demain pour l’avertir de ce danger. »

Je répondis que j’y perdrais mon latin, que notre poète méprisait la prudence et que mon influence était usée ; mais que celle de la marraine, toute neuve encore, pourrait avoir plus de succès. « Eh bien, me dit-elle bravement, j’essayerai. »

Elle me donna ensuite un aperçu du discours qu’elle voulait tenir, des arguments qu’elle comptait employer, et elle s’en acquitta avec une lucidité, un bonheur d’expression qui surpassèrent mon attente. Je me retirai plein d’espoir, admirant combien les femmes nous sont supérieures en éloquence et même en logique lorsque le cœur les inspire. Une petite lettre jetée à la poste apporta au filleul la prière de