Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/331

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couché sur une grande chaise longue qu’il venait d’acheter, et, en me montrant cette acquisition, il me dit : « J’espérais mourir jeune, mais, s’il plaît au bon Dieu de me laisser longtemps encore dans cet ennuyeux monde, il faudra bien m’y résigner ; voici le meuble sur lequel je vieillirai. »

Les grands froids et les chaleurs excessives lui étant également nuisibles, Alfred, malgré sa répugnance à s’arracher de Paris, se rendit trois années de suite au bord de la mer, non pour y prendre des bains qui auraient augmenté son mal, mais pour y respirer un air frais et tonique. En 1854, il alla au Croisic, d’où il revint à Angers, chez sa sœur, et y demeura un mois. Les deux années suivantes ce fut au Havre qu’il passa ses vacances. Pendant son dernier voyage, dans l’hôtel Frascati, où il demeurait, il se lia intimement avec une famille anglaise, dont le chef était un homme distingué, et, de plus, un cœur simple et bon. Les filles de M. Lyster, toutes deux dans cet âge charmant qui touche à l’enfance et à la puberté, se prirent d’amitié pour le poète malade. Cette amitié naïve se manifestait par des petits soins attentifs ; Alfred y répondait en redevenant enfant pour prendre part aux jeux des deux sœurs, en inventant d’autres jeux pour les divertir, et surtout en les faisant causer, car il eut toujours le talent de prêter son esprit aux personnes qui lui plaisaient. Je l’ai déjà dit : il aimait et respectait