Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/375

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superfluités. Le premier chapitre du roman, ainsi châtié et corrigé, est infiniment plus naturel et plus agréable à lire que l’original, et cette lecture est une excellente leçon[1].

Dans aucun de ses ouvrages, en vers ou en prose, même dans ses articles de critique, Alfred de Musset ne porte la parole à la première personne du pluriel. Cette manière de parler, qui passe pour modeste, lui semblait, au contraire, une prétention. Hormis dans les journaux, où l’écrivain qui tient la plume peut être considéré comme exprimant les doctrines et les opinions des autres rédacteurs en même temps que les siennes, il n’aimait pas qu’on dît nous au lieu de je, et, lorsqu’il rencontrait cette locution, si usitée pourtant, il s’amusait à dire : « Je ne savais pas que l’auteur fût roi de France et de Navarre. »

L’auteur des Contes d’Espagne et de Namouna a souri plus d’une fois des vains efforts de ses imitateurs, car jamais poésie ne fut autant imitée que celle-là. « Ils ne savent pas, les imprudents, disait-il, tout ce qu’il faut de bon sens pour oser n’avoir pas le sens commun. Mais le bon sens, le tact, l’esprit et l’imagination ne servent de rien si l’on n’a pas surtout et avant tout beaucoup de cœur. La fantaisie est l’épreuve la plus périlleuse du talent ; les plus habiles s’y fourvoient comme des écoliers, parce que leur tête est seule de la partie. Ceux qui sentent

  1. Je possède ce curieux exemplaire d’Indiana.
    P. M.