Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/376

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juste et vivement peuvent se livrer au dangereux plaisir de laisser leur pensée courir au hasard, sûrs que le cœur est là qui la suit pas à pas. Mais les gens qui manquent de cœur se noient infailliblement s’ils ont une fantaisie ; une fois lancés à l’aventure, ils ne peuvent plus se rattacher à rien, parce qu’ils n’ont pas de point fixe dans l’âme. »

Jusqu’à son dernier jour, Alfred de Musset lut tout ce qui paraissait, et voulut tout connaître et tout apprécier. Il s’arrêtait avec plaisir sur une idée neuve, si petite qu’elle fût. Il retenait dans sa mémoire un joli vers, une page contenant un sentiment vrai, une réflexion ingénieuse, une expression originale, et, sans s’inquiéter si l’auteur avait ou non de la réputation, il citait volontiers ce qu’il avait remarqué. Il se défiait des livres faits avec d’autres livres, et il aimait mieux remonter aux sources que de s’en rapporter à des interprétations…

Mais je m’aperçois que je me laisse entraîner au delà des bornes de mon sujet. S’il s’agissait de recueillir les jugements littéraires, les opinions d’Alfred de Musset sur les hommes et les choses de ce siècle et des siècles passés, ce serait tout un nouveau livre à entreprendre[1]. Il est temps de m’ar-

  1. Quant aux ouvrages qui sont restés inédits jusqu’à ce jour, j’en ai livré au lecteur tout ce qu’il m’était permis de lui donner. Alfred de Musset n’ayant jamais employé de secrétaire, toute publication posthume dont on ne pourra pas produire l’autographe, sera évidemment apocryphe et mensongère.
    P. M.