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fit ranger par nos camarades bien pensants, parmi les tièdes et les suspects. Cette position fâcheuse nous attira des affronts, des injures et des persécutions. Heureusement le maître de pension nous croyait plus dévoués à l’ordre de choses que nous ne l’étions réellement, et sa protection nous épargna quelques mauvais traitements. Mais, quinze ans plus tard, Alfred retrouva dans ces souvenirs le germe de sa Confession d’un enfant du siècle. Ma triste condition de pensionnaire interne me rendait cette vie de contrainte et de suspicion bien plus pénible qu’elle ne l’était pour mon frère. Je ne pouvais concevoir que ma mère me laissât loin d’elle ; je doutai de sa tendresse et je me crus perdu. Après les vacances, lorsqu’il fallut reprendre le collier, j’aurais voulu mourir. Par bonheur, je revins, un jour, à la maison avec la rougeole ; mon frère la gagna. Il ne fut plus question de nous bannir du toit paternel, et on nous donna un précepteur.

Ce fut dans le temps de notre convalescence qu’Alfred fut informé du mariage de sa cousine Clélie. Afin de consoler le petit amoureux de la perte de sa femme et de suppléer aux récits charmants qu’elle improvisait pour l’amuser, on eut recours aux livres. Nous dévorâmes ensemble tout ce qu’on put trouver de contes arabes et persans : Mille et un Jours, Mille et une Nuits, et la suite par Cazotte. Notre appétit du merveilleux ne se contenta pas de les relire plu-