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l’objet de notre adoration, nous dîmes provisoirement adieu à la politique.

De l’année 1816, nous ne conservâmes que le souvenir d’une claustration insupportable causée par des pluies continuelles. La cuisinière Eulalie s’en prenait au retour des Bourbons du mauvais temps et de la perte des récoltes, ce qui nous parut d’une évidence incontestable et nous confirma dans nos espérances d’un avenir meilleur. Cependant, l’année suivante, on me mit dans une pension ; mon frère y venait seulement le matin, comme élève externe, et s’en retournait à la maison le soir. Parmi les cent écoliers de cette pension se retrouvaient, comme sur un théâtre plus étroit, toutes les passions politiques qui déchiraient la France. Il y avait des royalistes, des libéraux, des hypocrites, des délateurs. Les premiers portaient la tête haute, et le gouvernement de l’endroit, c’est-à-dire le chef de l’institution, les favorisait avec une partialité marquée. Ils avaient toutes sortes de privilèges, entre autres des places d’honneur accordées, non pas à leur mérite et à leur travail, mais en récompense des sentiments politiques et religieux dont ils faisaient parade. Le plus exalté de ces jeunes ultra siégeait devant une table à part, dans l’embrasure d’une porte condamnée, où l’on avait tendu un magnifique papier bleu couvert de fleurs de lis d’or. Pour rien au monde, nous n’aurions brigué les distinctions de ce genre, et notre indifférence sur cet article nous