seur. Le chef d’une grande institution, où les études étaient très fortes, le voulait prendre gratuitement dans sa maison, en assurant qu’il se chargeait de lui faire obtenir des prix au concours général. Notre mère rejeta bien loin cette proposition, dans la crainte que la santé de son fils de fût sacrifiée à la fortune de l’établissement. Elle n’eut point à se repentir de sa prudence ; l’émulation d’Alfred n’avait pas besoin d’être excitée. Sans travailler beaucoup, il obtint assez de succès. Pour une fois qu’il ne fut pas assis au banc d’honneur, il en ressentit un si grand chagrin qu’on eut quelque peine à le consoler. Il pleurait toutes les larmes de ses yeux, et n’osait plus se montrer ; mais, quand il se vit accueilli plus tendrement encore qu’à l’ordinaire, il comprit avec une joie dont le souvenir ne s’effaça jamais, que son jeune cœur tenait de plus près qu’il ne le pensait lui-même au cœur de sa mère. En revanche, comme il était le plus petit de sa classe, la méchante engeance des écoliers conçut une haine féroce contre ce blondin toujours premier, que le professeur estimait au-dessus des autres. Les plus paresseux formèrent entre eux une ligue offensive, et chaque jour, à la sortie du collège, l’élève modèle recevait une grêle de coups. On le poursuivait jusque dans les bras du domestique qui l’attendait à la porte, et, comme la cour était grande, il arrivait fort maltraité, les vêtements en désordre, quelquefois même le visage en sang. Pendant plus d’un mois que dura cette cons-
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