Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/102

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oser refouler sous les baisers du corps l’amour de la pensée, et pour se planter sur les lèvres le stigmate qui fait la brute, le sceau du silence éternel ?

« Il y a là un mot à savoir. Il souffle là-dessous le vent de ces forêts lugubres qu’on appelle corporations secrètes, un de ces mystères que les anges de destruction se chuchotent à l’oreille lorsque la nuit descend sur la terre. Cet homme est pire ou meilleur que Dieu ne l’a fait. Ses entrailles sont comme celles des femmes stériles ; ou la nature ne les a qu’ébauchées, ou il s’y est distillé dans l’ombre quelque herbe vénéneuse.

« Eh bien ! ni le travail ni l’étude n’ont pu te guérir, mon ami. Oublie et apprends, voilà ta devise. Tu feuilletais des livres morts ; tu es trop jeune pour les ruines. Regarde autour de toi ; le pâle troupeau des hommes t’environne. Les yeux des Sphynx étincellent au milieu des divins hiéroglyphes ; déchiffre le livre de vie ! Courage, écolier, lance-toi dans le Styx, le fleuve invulnérable, et que ses flots en deuil te mènent à la mort ou à Dieu. »

CHAPITRE IV

« Tout ce qu’il y avait de bien en cela, supposé qu’il pût y en avoir quelqu’un, c’est que ces faux plaisirs étaient des semences de douleurs et d’amertumes, qui me fatiguaient à n’en pouvoir plus. » Telles sont les simples paroles que dit, à propos de sa jeunesse, l’homme le plus homme qui ait jamais été, saint Augustin. De ceux qui ont fait comme lui, peu diraient ces paroles, tous