Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/109

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carrosse croyaient à une procession de bandits.

Je me figure que les gens qui disent que le monde donne de l’expérience doivent être bien étonnés qu’on les croie. Le monde n’est que tourbillons, et il n’y a aucun rapport entre ces tourbillons. Tout s’en va par bandes comme des volées d’oiseaux. Les différents quartiers d’une ville ne se ressemblent même pas entre eux, et il y a autant à apprendre, pour quelqu’un de la Chaussée-d’Antin, au Marais qu’à Lisbonne. Il est seulement vrai que ces tourbillons divers sont traversés, depuis que le monde existe, par sept personnages toujours les mêmes : le premier s’appelle l’espérance, le second la conscience, le troisième l’opinion, le quatrième l’envie, le cinquième la tristesse, le sixième l’orgueil, et le septième s’appelle l’homme.

Nous étions donc, moi et mes compagnons, une volée d’oiseaux, et nous restâmes ensemble jusqu’au printemps, tantôt jouant, tantôt courant…

« Mais, dira le lecteur, au milieu de tout cela, quelles femmes aviez-vous ? Je ne vois pas là la débauche en personne. »

Ô créatures qui portiez le nom de femmes, et qui avez passé comme des rêves dans une vie qui n’était elle-même qu’un rêve ! que dirai-je de vous ? Là où il n’y a jamais eu l’ombre d’une espérance, est-ce qu’il y aurait quelque souvenir ? Où vous trouverai-je pour cela ? Qu’y a-t-il de plus muet dans la mémoire humaine ? qu’y a-t-il de plus oublié que vous ?

S’il faut parler des femmes, j’en citerai deux ; en voici une.

Je vous le demande ; que voulez-vous que fasse une pauvre lingère, jeune et jolie, ayant dix-huit ans, et par