Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/181

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Je ne pouvais lutter contre un si charmant abandon, et mon cœur se rouvrait à la joie ; je me crus délivré tout à fait du mauvais rêve que je venais de faire, et je lui demandai pardon d’un moment de folie dont je ne pouvais me rendre compte. « Mon amie, lui dis-je du fond du cœur, je suis bien malheureux de t’avoir adressé un reproche injuste sur un badinage innocent ; mais, si tu m’aimes, ne me mens jamais, fût-ce sur les moindres choses ; le mensonge me semble horrible et je ne puis le supporter. »

Elle se coucha ; il était trois heures du matin, et je lui dis que je voulais rester jusqu’à ce qu’elle fût endormie. Je la vis fermer ses beaux yeux, je l’entendis dans son premier sommeil murmurer tout en souriant, tandis que, penché au chevet, je lui donnais mon baiser d’adieu. Enfin, je sortis le cœur tranquille, me promettant de jouir de mon bonheur sans que désormais rien pût le troubler.

Mais le lendemain même, Brigitte me dit comme par hasard : « J’ai un gros livre où j’écris mes pensées, tout ce qui me passe par la tête, et je veux vous donner à lire ce que j’y ai écrit de vous dans les premiers jours que je vous ai vu. »

Nous lûmes ensemble ce qui me regardait et nous y ajoutâmes cent folies, après quoi je me mis à feuilleter le livre d’une manière indifférente. Une phrase tracée en gros caractères me sauta aux yeux, au milieu des pages que je tournais rapidement ; je lus distinctement quelques mots qui étaient assez insignifiants, et j’allais continuer lorsque Brigitte me dit : « Ne lisez pas cela. »

Je jetai le livre sur un meuble. « C’est vrai, lui dis-je, je ne sais ce que je fais.