Page:Musset - La Confession d’un enfant du siècle, 1840.djvu/217

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maison pour en chasser une passion fatale et honteuse ; il a inspiré à Brigitte cette pensée de son départ ; il lui donne peut-être en ce moment à l’oreille son dernier avertissement. Ô assassin ! ô bourreau ! prends garde ! il s’agit de vie et de mort. »

Ainsi je me parlais à moi-même ; puis je vis sur un coin du sofa une petite robe de guingan rayé, déjà pliée pour entrer dans la malle. Elle avait été le témoin de l’un des seuls de nos jours heureux. Je la touchai et la soulevai.

« Moi, te quitter ! lui dis-je ; moi, te perdre ! Ô petite robe ! tu veux partir sans moi ?

« Non, je ne puis abandonner Brigitte ; dans ce moment, ce serait une lâcheté. Elle vient de perdre sa tante ; la voilà seule ; elle est en butte aux propos de je ne sais quel ennemi. Ce ne peut être que Mercanson ; il aura sans doute raconté son entretien avec moi sur Dalens, et, me voyant jaloux un jour, il en aura conclu et deviné le reste. Assurément c’est cette couleuvre qui vient baver sur ma fleur bien-aimée. Il faut d’abord que je l’en punisse, il faut ensuite que je répare le mal que j’ai fait à Brigitte. Insensé que je suis ! je pense à la quitter lorsqu’il faut lui consacrer ma vie, expier mes torts, lui rendre en bonheur, en soins et en amour, ce que j’ai fait couler de larmes de ses yeux ! lorsque je suis son seul appui au monde, son seul ami, sa seule épée ! lorsque je dois la suivre au bout de l’univers, lui faire un abri de mon corps, la consoler de m’avoir aimé et de s’être donnée à moi !

« Brigitte ! m’écriai-je en rentrant dans la chambre où elle était restée, attendez-moi une heure et je reviens.

— Où allez-vous ? demanda-t-elle.